Non, j'en ai pas vu... je viens de lire dans le Jakarta Globe qu'un homme s'est fait attaquer par une de ces bêtes il y a une paire de jours... ses jours ne sont pas en danger mais c'est pas comme un autre, une semaine plus tôt, qui lui est mort dans l'attaque...

C'est la forêt du côté de Bengkulu qui en abrite des tigres... et encore ils sont pas tellement nombreux...

Dire qu'on a fait les fous dans la montagne volcanique sumatrane qu'il y avait peut-être un tigre qui nous lorgnait...

Y a des tigres en montagne ?

Parce qu'elle est pleine d'arbres et de singes la montagne...

J'ai pas vu de singes, je les ai entendu... et encore c'est parce qu'on m'a dit que c'était des singes sinon j'en serais toujours à me demander c'est quoi ce bruit qu'on entend ?

Et puis la montagne n'est pas près de la forêt à tigres ?

Parce que Bengkulu c'est grand, et puis nous on était loin de Bengkulu... à soixante-dix kilomètres je dirais...

La seule grosse bête que j'ai vu c'est la fameuse bêbête pleine de papattes...

Elle courait sur le carrelage de la cuisine de la première petite soeur à Tuti... la première petite soeur de Tuti c'est Ririn son prénom, tandis que l'autre petite soeur (la maman de ho la la) c'est Indah... quant au grand frère je ne me souviens pas de son prénom... faut que je demande à Tuti...

Tuti, Ririn et Indah... ils ont des prénoms rigolos en Indonésie...

Bref, j'en suis où ?

Dans la cuisine... ils ont pas de robinet d'eau chaude dans les cuisines indonésiennes... ben ouais, qu'en faire ?

Dans la salle de bain non plus... m'enfin je vous explique plus tard...

Donc la cuisine, le carrelage et la bêbête à papattes... elle est noire, elle est longue, elle dérape sur le carrelage avec des pattes par terre et des pattes qui courent dans le vide... elle est épaisse comme mon annulaire (le doigt qu'on se met dans l'oreille)... je la regarde filer droit devant, en direction du buffet...

A ce moment Ririn entre... je dis en anglais qu'est-ce en doigtant l'insecte... doigter, montrer du doigt... elle répond (je transcris phonétiquement avec r roulé) orane-orane,  prend un balai et fout l'intrus à la porte, dans la cour...

C'est un insecte quand il vous pique (ou mord, je ne sais plus) ça fait très mal...

Ensuite on prend le petit déjeûner... viande et riz, eau ou thé, ou café... en petite quantité... un bon petit déjeûner de la campagne pour affronter la journée de travail dans la rizière...

Personne de la famille de Tuti n'est paysan... c'est pas grave !

Tout un truc pour mettre une photo !

Bref, j'y suis arrivé...

Alors, de gauche à droite : Edi, le petit frère de Tuti au scooter qui glisse entre les véhicules dans les rues de Bogor, Tuti qui porte le polo que je lui ai acheté à Bogor quelques jours plus tôt (ici on est à Curup), moi, le beau-frère de Tuti, instituteur, avec sa fille sur les genoux, c'est la petite fille des ho la la... Tonton Wahid de Jakarta, ingénieur à la retraite... plus adossé contre le dossier c'est le frère aîné de Tuti qui n'en a pas l'air mais qui rigole tout le temps... faut dire que quand je suis arrivé chez eux, il a tout de suite trouvé TV5 pour me souhaiter la bienvenue... le jeune gars c'est un neveu à Tuti, à sa gauche la petite soeur sage-femme et maman de ho la la... et finalement la maman de Tuti qui lui demandait souvent ce qu'elle allait me faire à manger, et qu'est-ce que j'aimais manger ?

Mon récit de mon voyage en Indonésie prend une autre tournure... à partir de maintenant j'abandonne la chronologie exacte des événements et je raconte à bâton rompu au singulier parce qu'après tout ce n'était que deux semaines et des...

Mais d'abord café !

Alors qu'est-ce que j'ai pas raconté ?

L'achat des trucs si bon achetés au marchand ambulant en bas de la rue de mon hôtel ?

C'était bon, c'était chaud, c'était comme une petite crêpe épaisse chaude et un peu dure entourant un fruit... différents fruits car j'en achetais dix que j'en mangeais cinq chauds et cinq que je gardais pour plus tard...

Il y a les brochettes de chèvre... c'est bon avec la sauce adaptée...

Les buburs... c'est bon aussi... le bubur est à l'Indonésie ce que la soupe aux légumes est aux gamins... mange tes buburs si tu veux grandir...

Le nasi goreng... le fameux nasi goreng tant adulé par Obama... c'est du riz accomodé avec tout ce qui se mange...

La sorte de chip épaisse pliée en deux au goût de frite froide c'est pas bon...

Le thé glacé c'est bon... on ajoute des glaçons dans le thé chaud... sucré ou nature, au choix...

Le café est fort... et si vous ne précisez pas que vous voulez du lait et du sucre, vous le recevez tel quel...

Il y a ce fruit jaune dehors et rose dedans... on dirait une pomme golden à peine flétrie son extérieur... c'est rafraîchissant mais d'abord quand on mord dedans c'est dégeulasse ! donc c'est mieux de dire que c'est un légume... c'est comme nous quand on mange une tomate nature...

Et la noix de coco fraîche... si on mange pas la chair avec un peu de bois ça n'a pas de goût... par contre le lait de coco ça a du goût...

Une fois comme ça, à midi, Tuti et moi on est dans un petit restaurant... sur la table il y a un gobelet (un grand, comment on dit ?) avec des fourchettes et un avec des grosses cuillères, et un avec des serviettes en papier... et les gens viennent demander s'ils peuvent prendre une serviette, une fourchette ou une cuillère...

Ben ouais, pas d'problème, j'vous en prie, servez-vous... 

Et je regarde autour et je vois que toutes les tables ont les gobelets serviettés, fourchettés et cuillérés...

Je fais donc la remarque à Tuti : C'est pourquoi qu'ils viennent ici s'il y en a sur toutes les tables ?

Et elle me répond : C'est parce qu'ils veulent te voir !

Ah bon ? Qu'est-ce que j'ai de spécial ?

J'ai les yeux ronds et bleus, je suis blanc et je suis grand...

Ah mais maintenant que j'y pense... c'est vrai que c'était surtout des femmes qui venaient demander à notre table...

Punaise ! Les yeux bleus ont du succés en Indonésie !

Depuis mon retour de vacances, tous les matins je dis salut beau gosse à mon reflet dans le miroir de la salle-de-bain... 

Hier soir en arrivant j'ai pas vu grand-chose... j'entendais du bruit m'enfin j'étais plus occupé à discuter avec mes amis d'Indonésie... là c'est différent, je suis en scooter, et si j'ose à peine bouger la tête il n'empêche que je suis au milieu de l'action...

Alors des voitures partout, des angkots partout, des deux-roues motorisées partout, des piétons qui marchent et qui traversent la rue partout, des croisements qui se croisent, se décroisent, avancent, arrêtent, continuent, reprennent, attendent at n'attendent pas, des feux rouges auxquels on obéit, des feux verts qui n'attendent que nous pressés que nous sommes, passe, dépasse, repasse, avance, accélère, ralentit, frôle, passe entre-deux, laisse passer, c'est bon j'y vais, c'est moi qui passe...

Il fait quoi le mec avec ses seaux sur le trottoir et un siphon à la main ?

Il vend de l'essence...

Nous arrêtons à notre premier arrêt : La banque !

Je n'ai que quelques dollars américains et pas mal d'euros européens... il me faut des roupies indonésiennes...

D'abord nous allons au parking sous l'oeil amusé du vigile (ben ouais, c'est pas tous les jours qu'il a l'occasion de voir un occidental à l'arrière d'un scooter) puis un homme nous indique où se garer, puis nous descendons du scooter et nous dirigeons vers l'entrée de la banque...

Là, le vigile (un autre) parle à Edi (ou Edi lui parle, je ne sais pas trop)... le vigile lui répond en lui montrant la porte d'entrée...

Nous entrons dans une banque comme y a plein de banques dans le monde...

Je comprends pas ce que se disent Edi et la jeune femme au comptoir... on me dit de donner mes euros et elle s'en va avec... elle revient avec un papier, me le fait remplir (me demande mon adresse en France le papier... allons-y pour mon adresse), de doigts agiles pianote sur la calculatrice, me donne un gros tas de roupies et quelques pièces... j'ai jamais eu autant d'argent dans les mains... par l'épaisseur... et puis les billets locaux sont fins... trois millions de roupies que divisent douze mille et vous avez ce que vaut la roupie par rapport à l'euro...

Enfin bref, en l'espace de quelques minutes j'ai en main ce qu'Edi gagne tous les mois (il est chauffeur de taxi quand il n'emmène pas le pote à sa soeur sur son scooter)...

Nous sortons (pas de panique, mon argent est dans le sac acheté à Cora Leers) et avant de reprendre le scooter Edi glisse une paire de billets dans la main de l'homme qui lui a indiqué la place où se parker...

Et on reprend la promenade...

On va au parc botanique... non, c'est le lendemain qu'on y a été... oh, et puis, je mélange les deux journées...

On marche (le scooter est au parking à l'entrée) sur les allées le long de l'étang, on voit les nénuphars indonésiens différents des nénuphars européens, on voit des arbres avec des trucs qui pendent et des arbres aux troncs rigolos, des cocotiers et des palmiers, des chocolatiers et des pâtisseries que vendent les marchands ambulants déambulant ou installés pour quelques heures, des marchands d'eau minérale...

Le ciel indonésien est différent du ciel européen... comment ça ? Différent oui, mais encore ? C'est pas pareil... même les nuages c'est pas comme chez nous...

On se prend en photo avec l'appareil de Tuti qu'elle a laissé à son frère... et mon appareil à moi ? J'ai pas su le charger, j'ai cru le charger et je l'ai pas chargé...

Nous nous retrouvons dans les rues de Bogor, nous nous retrouvons à mon hôtel, Edi repart chez lui à Depok, une heure et demie et Tuti sera là...

Je reste dehors à regarder le soleil, à regarder le lézard, à regarder...

L'arbre au tronc rigolo...

On frappe à la porte... c'est Muhammad et sa mère qui m'apporte du café... je vous ai dit que le guest-house a des belles chambres, par contre il n'y a aucun repas ?

J'apprendrai un peu plus tard qu'on peut manger... les prix sont affichés dans chaque chambre, sauf que moi je n'y ai pas prêté attention puisque c'est écrit en Indonésien...

Enfin bref on m'apporte du café... Muhammad et sa mère sont venus exprès de Depok (c'est just collé à Bogor mais les deux villes sont grandes), à travers le traffic urbain à la demande de Tuti...

Je suis en caleçon, j'enfile vite un pantalon... je bois le café... mon premier kopi !

Kopi ça veut dire café en Indonésien...

D'accord, c'est du lyophilisé, le sucre, le lait et le café sont déjà prévus, y a qu'à ajouter l'eau chaude mais c'est du kopi made in Indonesia quand-même...

La maman de Muhammad (j'ai oublié son prénom... Sri je crois, mais je suis pas sûr car une collègue de travail de Tuti s'appelle Sri) parle dans son portable et me le passe... c'est Tuti qui m'explique ce qui m'attend pour la journée (elle bosse jusqu'à 17 heures et ne me voit que le soir) : Son frère Edi passe à 8h30 et m'emmène faire un tour en ville... ok no problem réponds-je de mon plus bel anglais...

Mes porteurs de café repartent et me voilà seul avec le thermos...

Bon j'ai une heure à perdre, je fais quoi ?

Je sors à l'entrée du guest-house (des fois ce sera la guest-house, m'enfin on va pas chicaner)...

Y a un gars en uniforme assis sur une chaise sous le porche, il regarde la télé... on se sourit, salut, s'essaie à la conversation... d'où viens-je ? France lui dis-je non sans fierté républicaine (non, j'déconne)... Benzema me dit-il... Et encore le foot !

Ce sera souvent comme ça : Dès qu'un Indonésien apprend de moi que je suis français, et s'il ne parle pas anglais (ou français), il me cite deux ou trois joueurs de football...

Par contre pour Ribery ça fait sourire... son histoire avec Zahia a fait le tour de la terre c'est pas possible autrement...

Bref le gars en uniforme fait partie de la sécurité... il y a de la sécurité partout en Indonésie : Devant les hôtels, les parcs d'attraction, les banques, les centres commerciaux, les bâtiments administratifs, les entrées de différents quartiers des villes, les grandes mosquées, les grandes églises, les grands temples... ils ne sont pas armés si ce n'est d'un poignard... certains ont une matraque que si tu te la prends dans la gueule, putain ça fait mal !

Ils sont toujours aimables et souriants... sauf une fois, je vous raconte dans un prochain épisode...

Bref, donc je cause avec le security-man, avec la patronne (en anglais avec le sourire), avec le room-boy et je vois pas venir Edi et portant il est l'heure qu'il doit être là...

J'envoie un sms à Tuti...

Ah oui, je vous ai pas dit que Tuti me prête un portable pour qu'on reste en contact...

J'envoie un sms à Tuti avec difficulté parce que comment ça marche ce truc ?

Un sms c'est bien un message par téléphone portable ? Non mais ça change tellement vite ces trucs...

Elle m'écrit qu'Edi arrive à 10 heures finalement...

Bon, attendons un peu plus et profitons-en pour regarder les gens dans la rue, les voitures, les deux-roues, les angkots, les marchands ambulants, les écoliers qui vont à l'école, les étudiants qui vont au lycée... profitons-en pour discuter un peu plus, pour regarder les papillons voler et les lézards courir, les mouches voler...

Tiens ça me fait penser à la bêbête pleine de papattes qui se déplaçait sur le carrelage de la cuisine... je vous raconte dans un prochain épisode...

Arrive Edi, en casque et en scooter... Mister Brrrouno qu'il me demande, yes que je lui réponds de mon plus bel anglais... il me donne un sac à dos, un petit, comme on voit souvent, vous voyez ce que je veux dire, tout beau, tout neuf, bonne qualité, fabriqué en Indonésie, qu'on achète une paire d'Euros ici et cent Euros en France...

Quand je pense que McDonald s'est installé dans ce pays et que son café est à 9000 roupies alors que le prix moyen de la tasse de café est de 4000 roupies ! Et y a des Indonésiens qui y vont !

Et le casque, il m'a apporté un casque !

Mais d'abord il veut faire pipi... non, il dit pas ça comme ça, il dit I want go toilets (je veux aller water)...

Bon, cette fois on est prêt, je mets mon casque, veux le fixer, il me dit c'est bon ça ira, et ça a été, il me fait mettre le sac à dos sur mon torse puissant qu'un t-shirt orange cache pudiquement à la vue des autres (y a des poils aussi), je monte derrière lui, m'accroche à ses épaules (purée, comment on se tient sur un cyclo-moteur ?) et nous partons à la conquête de Bogor !

La suite à venir...