N'y a plus de lait dans le frigo, y en a à côté, sur les shelves, les rayons, comment on dit en français ?

Quand je dis que mes mots manquent à mon cerveau... je suis pas bilingue, je suis troulingue...

Trop fainéant pour prendre une nouvelle brique, découper un coin, je bois mon café noir... 

Hier on était à la banque... eh ouais ! Même qu'on y a été à pied ! 

Un quart d'heure, j'avais pas marché autant depuis... depuis... un bon moment... même que Tuti disait "Marche moins vite, tu vas avoir mal à la jambe"...

Je marche pas vite, j'ai les jambes plus longues...

Par contre au retour j'avais mal à la plante du pied gauche, et c'est la jambe droite qui est trouée...

Que fit-on à la banque ?

Des affaires de banque ! 

En allant, passage à la grosse boîte postale poster pour la retraite complémentaire, mon salaire de juin et ma carte vitale photocopiée... le salaire aussi photocopié... 

Avec mon plus meilleur français, l'écrire, comme pense-bête, je dois...

Tout d'abord, et avant tout, un mot sur ma santé, la santé du trou de cheville, qui va mieux : J'ai moins de mal à marcher, et si c'était pas pour les douleurs de la guérison (douleur c'est un bien grand mot), je n'aurais pas à me plaindre...

J'ai pas envie, pas envie du tout, de reprendre le travail... arrêt-maladie jusqu'à le jour Un du début du reste de ma vie, c'est mon objectif...

Vivement que je reçois le papelard officiel qui dit que c'est bon, t'es un retraité et tu peux préaviser ton embaucheur, compter sur les vingt jours de congés en moins et raccourcir un maximum... 

Et maintenant, le pourquoi qu'il faut que je l'écris :

Pas oublier les changements à la banque, virer certaines assurances, stopper certaines factures à payer automatiquement, transférer des sous d'un compte à l'autre, en laisser un peu sur place... histoire d'en avoir au cas où...

En plus y en aura pas tant que ça !

A donner, jeter ou garder, faut faire un choix...

Plus tard ? Je suis coincé par le fait que je suis dans le flou de mon futur qui ne s'annonce pas à cause du virus... car il résume tout ce virus : Ca se résume en un Tout est bloqué !

Dès que j'envoie le préavis que je m'en vais à ma propriétaire, avec accusé de réception, j'ai trois mois pour attaquer !

Trois mois c'est pas de trop ! 

Tout le monde est là ?

A voir... je fais l'appel...

Toi là, range-moi cette pelle !

Bien... on se calme !

Pierre et Douar sont où ?

Douar avec Nenez ? Depuis quand ? Je n'ai jamais dit de changer les binômes !

Donc... qui sait où est Pierre ?

Parti chercher la pelle ? Elle est là la pelle !

Non, pas toi Elélalapel... reste assis !

Paul... ramène Pierre... et ôte la pelle de ton épaule !

Elélalapel laisse la pelle quand je fais l'appel !

Je vous demande de vous arrêter !

Et c'est valable pour toi Finir...

Alors ? Pierre a été retrouvé ?

Bien ! Pierre retourne avec Douar, Nenez va de nouveau avec Paul !

Stère est seul ?

Il a qu'à aller avec Finir... 

La mayonnaise sort du tube, laisse une trace de gros spaghettis, longue et grasse, et se dote d'une vie de l'esprit...

C'est à elle que j'en appelle...

Elle est là pour me seconder dans toutes les questions qui demandent réponses...

Ô mon cerveau, condiment de l'entendement, sauce blanchâtre de la reconnaissance, sel de ma vie, n'entends-tu point mon coeur meurtri ?

Ma jambe fait sécession, refait Gettysburg, Antietam et Bull Run, lutte jusqu'au bout : La liberté ou la mort ! 

Sa liberté ! La liberté pour une jambe qui se croit soumise à l'autorité centrale alors qu'elle est la mort du corps, le coma sans alcool et l'évanouissement des idées...

Ô mon cerveau, s'il ne t'en est laissé que le choix, annihile l'ennemi fraternel, envoie-le dans les confins des limbes...

Massacre-le !

Je radote, je radote... j'ai pratiquement rien d'autre à faire...

Plus exactement : Je ne peux rien faire... 

Hier l'infirmière me dit que ça se soigne bien, que ça va prendre du temps... 

Si je reçois ces scrongneugneu de papiers, je peux préaviser, enlever les congés, espérer un arrêt maladie, terminer ma carrière professionnelle à la maison...

Je radote, toujours pareil, toujours rien de nouveau...

Sinon attendre...

L'autre jour c'est une voisine qui a emmené Tuti aux courses...

J'évite de faire du vélo, c'est pas conseillé dans mon état... ou alors je pédale les pieds à plat... quans je vais voir le médecin, moins loin que le supermarché, j'ai pas le choix, j'y roule...

En marchant ça nous prendrait des heures, déjà qu'en temps normal ça nous prend une éternité... 

Et là je cause d'aller soit aux courses, soit au toubib... pas question de faire une virée de plusieurs kilomètres...